Le risque zéro n’existe pas. Comme par exemple celui d’écrire des lieux communs.
Mais c’est justement parce qu’il n’existe pas qu’il faut se prémunir des risques qu’on peut d’ores et déjà identifier.
Inondations en Europe de l’ouest : 156 morts en Allemagne, 183 au total (bilan provisoire).
On le voit avec cet exemple dramatique, même l’Allemagne, normalement connue pour être organisée et au carré sur bien des points, a subi des dégâts et des pertes humaines terribles. De fait, le risque est toujours vu, dans nos sociétés occidentales, comme ne nous concernant pas, car touchant bien plus souvent les pays ou régions moins développés. Et, par conséquent, nous avons perdu cette compétence qu’est la prévision et la gestion du risque, sauf lorsque celui-ci est financier ! Nous sommes pourtant environnés de mises en garde de toutes sortes, mais pour des dangers sans véritable lien avec notre vie quotidienne, hors métiers spécifiques.
Ainsi, en Belgique, ordre a été donné à la population de Liège d’évacuer la ville… sans qu’aucun plan d’évacuation n’ait été mis en place et rien d’organisé, ce qui est le meilleur moyen de semer la panique et de créer des problèmes qui vont empirer la situation (cf. ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005), preuve, s’il en est besoin, que les pays occidentaux ne sont pas du tout préparés à faire face aux défis qui viennent.

Car bien évidemment, la bétonisation à outrance de l’environnement et la construction d’habitations dans des zones inondables, voire parfois carrément dans le lit d’anciens cours d’eau (voir photo ci-dessous) qui ne demandent qu’à reprendre leur activité à l’occasion ne sont pas pour rien dans l’ampleur de la catastrophe. Et on sait, de manière sûre et certaine, que ces catastrophes, par le changement et le dérèglement climatique, vont être de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes.

Il est donc assez facile de rejeter la faute sur l’état, les régions et les diverses administrations pour leur incurie indéniable.
Mais pourquoi diable oublier le citoyen dans cette recherche de responsables ?
Car celui-ci est tout aussi coupable. Oui, coupable ! Qui a demandé un permis de construire dans cette zone inondable ? alors oui, bien sûr, il lui a bien été accordé par une instance, certes. Mais qui n’a absolument pas non plus vérifié quels étaient les risques locaux autour de son domicile, que ce soit dans le cas de catastrophes naturelles ou industrielles ?
D’ailleurs, qui s’est déjà connecté au site Géorisques du gouvernement ? pour une fois qu’un de ses outils en ligne peut être utile à quelque chose, il est tout de même dommage de le négliger à ce point !

En effet tout territoire est soumis à des risques divers, variés et touffus et il convient de les prendre en compte avant de s’installer quelque part, que ce soit en location ou à l’achat, que ce soit en appartement ou en maison individuelle : inondations, secousses sismiques, sites industriels Seveso, feux de forêts, canicule, chutes de neige, tempêtes…
Il ne s’agit bien évidemment pas d’éviter systématiquement toutes les zones à risques : c’est tout bonnement impossible. Car le risque zéro n’existe pas ! Par contre, il s’agit de prendre en compte les risques les plus évidents et, si l’on ne peut s’y soustraire, de s’y préparer.
Je vais prendre un exemple : le mien.
Avant de m’installer dans mon domicile actuel, j’ai vérifié un certain nombre de points, les ai évalués et comparés à ceux d’autres habitats potentiels.
Déjà, j’ai jeté mon dévolu sur une région – la Bretagne – qui avait peu de risques d’être touchée rapidement par la sécheresse et les canicules dues au réchauffement climatique, et où les précipitations ne devraient pas (trop) manquer dans les années à venir (je fais tout de même des stocks d’eau dans des cuves). Autre avantage : je suis loin de toute installation industrielle potentiellement dangereuse (centrale nucléaire, raffinerie de pétrole et autres Lubrizol-AZF).

Puis, j’ai délimité une zone idéale d’installation : pas trop près de la côte pour ne pas souffrir des effets néfastes du tourisme de masse ni d’une brusque montée des eaux, mais pas trop loin non plus pour bien bénéficier du climat océanique, à bonne distance des grandes agglomérations, mais pas trop loin non plus pour bénéficier néanmoins des services liés (soins, grande distribution, etc.). C’est donc au sein de cette zone que j’ai prospecté pour acheter une maison. Et pour chaque possibilité qui s’offrait à moi, j’ai regardé les risques liés à leur emplacement.
• LES RISQUES NATURELS :
7 risques sont recensés pour ma commune sur le site Géorisques
- Inondation : de fait la commune est dans une vallée et pas si loin de la mer ; de fortes précipitations associées à un gros coefficient de marée pourraient finir par inonder la zone ; mais étant situé sur le point le plus haut de la commune (non, je n’ai pas choisi cette maison par hasard), au sommet d’une colline, à plus de 100 m d’altitude, le jour où l’eau lèchera mon pas de porte, 80 % de la population bretonne sera déjà partie rejoindre les poissons depuis lurette.
c’est mignon, chez moi, non ? - Mouvements de terrain : s’il y a bien d’anciennes mines à quelques kilomètres de chez moi, je suis sur un plateau granitique et le risque d’un glissement de terrain important touchant mon habitation est proche de zéro, d’ailleurs aucun n’a jamais été recensé sur la commune (jusqu’à présent) ; tout au plus pourra-t-il y avoir un éboulement de talus, ce qui peut être gênant (si ça coupe la route ou emporte un pylône électrique, par exemple), mais pas gravissime ; ce qui peut éventuellement arriver, c’est un tassement différentiel : il s’agit d’enfoncements non uniformes du sol sous la fondation d’une maison dus à la non uniformité du sol sur lequel repose la fondation ; ainsi si les précipitations minent le sol sous la maison ou si (voir point n° 5) le sous-sol argileux alterne les phase de gonflement-rétractation, un creux peut apparaître sous les fondations et entraîner de larges fissures sur les murs et des tensions dans la structure nuisant à la stabilité de l’ouvrage, les maçonneries se retrouvant disloquées et de longues lézardes apparaissant ; mon choix d’une très vieille bâtisse du XVIIIe siècle – en deux siècles et demi, le risque a largement eu le temps et la probabilité d’advenir – construite sur dalle granitique devrait considérablement réduire cette possibilité.
les joies de la coulée de boue - Cavités souterraines : il s’agit des anciennes mines citées ci-dessus ; elles ne me concernent pas, étant trop éloignées de mon habitation.
il se passe de drôles de trucs dans les anciennes mines près de chez moi… - Séismes : la Bretagne est encore soumise à une activité sismique et il n’est pas rare qu’on entende gronder les entrailles de la Terre ; toutefois, l’amplitude des ondes sismiques a toujours été très faible (jusqu’à présent) et le risque lié est lui aussi qualifié de faible sur le site ; sur une échelle allant de 1 (non ressenti) à 12 (tous les bâtiments détruits), le plus fort tremblement de terre qui soit survenu sur la commune a été d’une intensité de 5 (chute d’objets) et remonte à 1959, les autres étant bien plus faibles ; ce qui ne veut pas non plus dire qu’un séisme plus puissant soit impossible, mais la probabilité est très faible.
- Retrait ou gonflement des sols argileux : les sols argileux sont soumis à des gonflements lorsque les précipitations sont fortes, ou à des « retraits » (des rétractions) lorsqu’il fait sec ; ici, le risque est bien existant, car avec le changement climatique, les phénomènes météorologiques de grande ampleur vont devenir de plus en plus fréquents, d’où de possibles très fortes précipitations faisant gonfler les sols ou a contrario de longues sécheresses les faisant se contracter ; les bâtiments construits sur ces sols peuvent dès lors subir des dégâts ; mon choix d’une maison datant du XVIIIe siècle me fait penser que des épisodes de sécheresse ou de fortes précipitations ont déjà eu lieu et qu’elle y a résisté (pourvu que ça dure).
- Phénomènes météorologiques / tempête et grains (vent) : je suis en Bretagne à moins de 20 km de la côte, donc quand ça souffle, ÇA SOUFFLE ! Ici, la vitesse moyenne du vent est de 30 km/h, soit 1,7 fois plus qu’à Dijon, par exemple. Au départ, je me suis dit que les maisons traditionnelles bretonnes étaient construites pour résister aux éléments, et de fait, avec des murs de granite de plus d’un mètre d’épaisseur, a priori ça résiste au choc ! Mais on n’est jamais à l’abri de la bourrasque scélérate qui fera s’envoler votre toiture ou tomber un arbre sur votre voiture. La plus grande fréquence et la plus grande force des phénomènes météorologiques créés par le dérèglement climatique ne mettent personne à l’abri d’un coup de vent particulièrement violent.
quand ça souffle, ça souffle ! - Dernier risque, qui n’en est pas vraiment un puisque c’est en fait une certitude : le radon ! l’uranium et le radium présents dans le sol granitique émettent en se désintégrant un gaz radioactif qui s’accumule dans les espaces fermés (grottes, bâtiments, habitations) ; les communes sont classées en 3 catégories et la mienne est dans la catégorie 3, la plus forte… dans cette catégorie, les derniers relevés montrent que la radioactivité relevée dans 40 % des bâtiments atteint les 100 Bq/m3 (seuil maximal recommandé par l’OMS) et dépassent les 300 Bq/m3 dans 10 % des cas ! ça fait peur ! il faut donc relativiser un peu : les Bretons vivent ici depuis des millénaires et si, effectivement, le taux de cancers est légèrement plus élevés que la moyenne, l’espérance de vie n’y est pas non plus réduite drastiquement ; le radon étant un gaz, une habitation régulièrement aérée n’est que peu contaminante ; et vu mon grand âge, ayant passé le plus clair de mon existence en zone de catégorie 1, quand bien même je serais exposé (et je le suis très certainement, surtout l’hiver où on a moins envie de laisser les fenêtres ouvertes pour faire circuler l’air), les effets ne se feront sans doute jamais sentir sur mon organisme et je crains davantage ceux du cholestérol que de la radioactivité ; ceci étant, les Bretons (ou les Auvergnats, qui sont dans la même situation) continuent de faire des enfants et ceux-ci naissent sans être ni trop difformes ni trop stupides, d’où l’on déduit qu’il doit bien y avoir moyen de survivre à cette radioactivité sans trop avoir à s’en soucier plus que ça.
À ces risques naturels, il convient d’ajouter…
• LES RISQUES TECHNOLOGIQUES :
Vivant en milieu extrêmement rural, peu de risques sont listés pour mon secteur.
- Pollution des sols, SIS et anciens sites industriels : dans le bourg, d’anciennes installations (une vieille station-service, par exemple) et une activité plus récente (un artisan forgeron) peuvent avoir entraîné / entraîner une pollution des sols ; je ne vis pas dans le bourg, réside à plusieurs kilomètres de celui-ci et bien en amont, donc ne suis pas concerné.
Comment ça, elle pollue, ma forge ?! - Installations industrielles : si le vocable peut faire un peu peur, la réalité qu’il recouvre est très disparate ! Ainsi, les installations sensibles près de chez moi… sont les élevages (bovins et volailles). Outre les effluents qu’ils peuvent créer, il est aussi fréquent que les installations disposent d’un dépôt de carburant (ce qui est plutôt un bon point dans un contexte survivaliste, mais c’est un autre sujet) et d’un lieu de stockage de foin (possibilité d’incendie, voire de combustion spontanée) et/ou de produits chimiques (engrais, pesticides, etc.), pouvant créer ou des explosions (mais ici, les quantités sont infiniment moindres qu’à l’usine AZF de Toulouse au que dans le port de Beyrouth) ou des nuages toxiques en cas de feu.
Je ne suis pas une installation industrielle, je suis Rambo ! - Ben… c’est tout ! Du moins pour ce qui est recensé par le site Géorisques. Car des risques, il en existe d’autres. L’exposition aux pesticides lors des épandages, l’exposition à l’ammoniac dans l’air du fait de la présence d’élevages, la pollution de l’eau du réseau (outre que certaines recherches de pesticides ne sont pas faites dans la région comme il le faudrait, il suffit aussi qu’une cuve à lisier se mette à fuir ou qu’une tonne se renverse et l’eau de captage du réseau est polluée… le temps qu’on soit averti, il est généralement trop tard), les délestages électriques, etc. Et puis il y a aussi les risques domestiques, tels que l’incendie dans l’habitation (en France, un incendie domestique toutes les deux minutes), les pannes de courant, les dégâts des eaux dus à une fuite, les termites et autres xylophages, la criminalité et les cambriolages (en France, un cambriolage toutes les 90 secondes), etc.
source : ministère de l’Intérieur pour l’année 2020
Bon, c’est bien gentil tout ça, mais une fois qu’on a identifié les risques, on fait quoi ?
Eh bien on s’en prémunit. Et si on ne peut pas, soit on vit avec en se préparant à ce que le risque se réalise – il ne s’agit pas non plus de vivre dans la peur 24 heures sur 24, juste d’être prêt à réagir promptement et de manière circonstanciée – soit on va vivre ailleurs.
Je ne listerai pas toutes les manières de se prémunir des risques, il faudrait une encyclopédie complète rien que pour lister chaque risque potentiel pouvant survenir en France Métropolitaine ! Mais, toujours pour prendre mon exemple personnel, je vais prochainement faire abattre plusieurs dizaines de conifères autour de ma propriété. Vieux et malades, ils deviennent dangereux et il ne se passe pas une tempête sans que l’un d’eux casse… jusqu’au jour où l’un tombera sur la route, sur quelqu’un ou sur le toit de la maison. Donc, avant qu’il soit trop tard, je prends les devants et vais tous les raser, et replanterai bien sûr ensuite d’autres essences d’arbres afin de créer de la haie touffue, comestible et qui me protègera aussi du vent.
Concernant les risques domestiques, avoir des détecteurs de fumée, des extincteurs en état de fonctionner, une alarme anti-intrusion, un générateur électrique, quelques mois de réserves alimentaires (et de PQ !) sont des solutions simples à mettre en œuvre, pas nécessairement très coûteuses et qui couvrent déjà bon nombre de cas de figure.

Et si on ne peut rien faire, alors on se prépare à devoir évacuer rapidement, et dans ce cas, on appelle BOB !
Mais encore faut-il savoir comment et par où évacuer. Un petit truc tout bête aussi : en cas de gros pépin, l’électricité sera peut-être coupée (et le réseau internet aussi, du coup). Ayez donc sous la main une petite radio à piles facilement transportable, qui vous permettra d’écouter les informations sur la bande FM, ainsi que les éventuelles préconisations préfectorales.
Et bien sûr, je suis certain que vous aurez sous la main tout un jeu de cartes IGN (ou au moins routières) en PAPIER pour savoir exactement où vous êtes, quels sont les itinéraires de délestage, où va cette petite route qui permet de se dégager du bouchon sur la nationale, et surtout d’éviter que « oh ! mon smartphone à 1 200 balles vient de tomber dans la boue et le GPS est en rade… »
Car connaître son environnement, de l’immédiat jusqu’à un rayon d’une centaine de kilomètres, est absolument indispensable. Il serait dommage que, pour fuir un danger, vous évacuiez dans une zone qui présente elle-même un risque très élevé, comme de fuir un incendie majeur pour trouver refuge à proximité immédiate d’un site SEVESO pouvant lui aussi être rapidement touché par le feu ! Faites l’acquisition des cartes IGN de votre secteur et, en vous promenant le dimanche, marquez-y les points d’intérêt importants, positifs (stations-services, hôpitaux, pharmacies, médecins, casernes de pompiers, vétérinaires, refuges, points d’eau potable…) comme négatifs (sites SEVESO, ponts en mauvais état, centres de détention, zones inondables…). De même, tenez compte du vent : si vous fuyez des fumées toxiques ou un nuage radioactif, ne restez pas dans le sens du vent.
Bref, avant qu’il soit trop tard, prenez les devants : analysez votre environnement, étudiez les risques inhérents, parez aux plus évidents, préparez-vous aux autres et prévoyez de pouvoir partir vite, avant même qu’on vous le demande.
Et enfin, si vous aimez vous faire peur, voici une carte en temps réel de toutes les catastrophes et accidents graves en cours :
